France Inter et le magazine Usbek & Rica proposent un débat exceptionnel sur l’avenir du journalisme face aux réseaux sociaux et à la désinformation par l’IA.

France Inter et le magazine Usbek & Rica proposent un Tribunal pour les Générations Futures exceptionnel sur l’avenir du journalisme. Sur le banc des accusés, le journalisme. Et si c’était les réseaux sociaux et la désinformation par l’intelligence artificielle (IA) les vrais accusés ?

Comme toutes les institutions, les médias d’information voient leur légitimité questionnée, le journalisme tel qu’on l’a connu sourcé, vérifié, nuancé a-t-il encore un avenir dans ce big bang de l’information partout et par tous ? C’est une question déontologique. Peut-on être journaliste sans carte de presse, sans socle méthodologique commun, sans régulation ?

C’est une question philosophique. Le journalisme impartial est-il un mythe ou un idéal ? Est-il temps de sortir de l’ambiguïté ?

C’est une question économique. La recherche du buzz, du clic favorise-t-elle les propos les plus provocateurs et extrêmes, eux-mêmes poussés par les algorithmes des plateformes ?
C’est une question technologique. Avec l’intelligence artificielle qui permet de générer des contenus, textes ou images. l’avenir de l’information sera-t-il uniquement entre les mains de ceux qui apprivoisent le mieux ces nouveaux outils ? Comme la crise climatique, si on ne se préoccupe pas de toutes ces questions, c’est aux générations futures qu’on laisse un problème majeur.
Pour en débattre, Radio France et France Inter s’associent à Usbek & Rica*** et proposent un Tribunal pour les Générations Futures inédit. Un vrai-faux procès où le verdict sera prononcé dans l’intérêt des générations à venir.
À lire aussi : De plus en plus de Français estiment « qu’il faut se méfier de ce que disent les médias »;

Avec
Dans le rôle de la présidente : Mathilde Serrell
Dans le rôle de l’avocat : Thierry Keller, journaliste et cofondateur d’Usbek & Rica pour qui le journalisme n’est pas mort, mais plus indispensable que jamais pour faire face aux manipulations et défendre nos démocraties.
Dans le rôle du procureur : Alexandre Kouchner, éditorialiste chez Usbek & Rica pour qui le public se détourne des médias et se demande à quoi bon défendre un journalisme en réalité déjà mort.
Dans le rôle des témoins :
o Laurence Devillers, professeure à la Sorbonne, spécialiste des questions d’intelligence artificielle et d’éthique ;
o Axel Beaussart (dit Tahzio), fondateur de Spotters Media, chroniqueur chez Mouv’ .
o Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières
o Paloma Moritz, journaliste écologie et société chez blast.
Un monde sans journalistes, est-ce concevable ?
57 % des Français estiment qu’il faut se méfier de ce que disent les médias sur les grands sujets d’actualité, ¼ des 18-34 ans s’informent via des influenceurs, 42 % des moins de 35 ans se disent ouverts à l’idée de lire des articles rédigés par une IA. Mais 75 % des Français suivent aussi l’actualité avec grand intérêt, 48 % considèrent que l’existence des médias audiovisuels publics est une bonne chose pour la pluralité d’opinions et la diversité du paysage médiatique. Le public fait davantage confiance aux médias qu’aux autres sources d’info et se passionnent pour l’actualité.
À la barre, le témoin Christophe Deloire répond qu’il y a toujours une vitalité très forte du journalisme, avec des créations de médias avec différentes sortes de journalismes : « Les accusations pour le tuer, ça fait longtemps qu’elle durent. Chaque jour en France, il y a à peu près 20 millions de personnes qui regardent un journal télévisé. Chaque jour, il y a à peu près 70 millions de visites sur des sites ou des applications de médias. Il y a beaucoup de nouvelles formes journalistiques. Si le journalisme souffre face aux GAFAM, de là à dire que le journalisme va mourir, je n’en crois pas un mot. Mais on a besoin de savoir davantage dans quelles conditions a été produite l’information, c’est une demande très forte de la société et qui incite les médias à clarifier leurs manières de travailler pour favoriser la fiabilité de l’information ».
À lire aussi : Vérifier l’info, la mission prioritaire des journalistes pour 7 Français sur 10.
À la question, est-ce que l’information n’a pas une fonction sociale qui doit impérativement perdurer ? Christophe Deloire répond que « quand on interroge les Français, 84 % disent que le journalisme est un métier utile. Imaginons un monde sans journalistes, on serait un peu comme dans la caverne de Platon, à voir des ombres sur les murs de la caverne, sans savoir si on doit croire ou pas. Face à l’intelligence artificielle, face aux manipulations, on a besoin de la fonction sociale du journaliste surtout dans un moment avec l’intelligence artificielle pour opérer la distinction du vrai et du faux. Les idéaux du journalisme survivront toujours parce qu’on aura toujours besoin de quelqu’un pour vérifier l’information ».

Les réseaux sociaux menacent-ils le journalisme ?
À la barre, la journaliste Paloma Moritz témoigne de son expérience pour répondre à la question, à quoi bon s’informer en allant sur un média en particulier dès lors qu’on trouve toutes les informations possibles sur les réseaux sociaux ? « Je pense qu’on est tous nos propres médias. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, on a une information qui n’est pas forcément vérifiée, qui n’est pas forcément sourcée, qui n’est pas forcément mise en contexte ou décryptée. C’est sur cette promesse de prendre de la hauteur sur l’actualité, de donner des clés pour comprendre la complexité du monde dans lequel on vit que chaque média doit être lancé. Si on ne pouvait s’informer qu’avec les réseaux sociaux aujourd’hui, aucun média n’aurait le succès ni l’audience. Pour cela, il faut s’efforcer de penser contre soi-même; entretenir une éthique du journalisme qui vise à vérifier systématiquement les faits, avec un accès libre aux médias ».

L’intelligence artificielle menace-t-elle le journalisme ?
À la barre, la spécialiste des questions d’intelligence artificielle et d’éthique, Laurence de Villers donne son sentiment quant à l’interrogation selon laquelle à l’avenir, l’ensemble des contenus en ligne pourraient être (ou pas) essentiellement produits par des intelligences artificielles : « C’est un risque qu’on soit entouré d’informations produites par des machines. Dans ces cas-là, il ne s’agit pas d’écouter qu’une seule voix, mais de lire plusieurs journaux, de confronter, pluraliser ses sources, confronter des voix, des opinions pour ne pas se laisser guider par l’IA qui elle est dénuée d’émotions et d’objectivité. C’est à vous seuls de faire votre choix. Et ce n’est pas un outil algorithmique de le faire le choix pour vous. C’est alors que le rôle du journaliste est encore une fois central. L’IA peut accompagner, assister, mais sans jamais décider pour vous ».
À écouter : Un journalisme « utile » quand il est garant d’une information vérifiée

**Source: France Inter, écouter l’audio intégrale:
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/un-monde-nouveau/le-tribunal-des-generations-futures-du-mercredi-31-janvier-2024-4655499

*** Usbek & Rica est un magazine trimestriel français de journalisme de récit, fondé en 2010. Disponible en kiosque jusqu’à l’été 2020, il est désormais uniquement disponible en abonnement et, depuis fin 2015, sur le web, à cette page:

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