Anti-Amazon: La filière du livre repense sa résistance face aux plates-forme en ligne.

Auteurs, éditeurs, libraires, qu’ils osent prononcer ou non le nom d’Amazon, ont dû réfléchir pendant ce confinement aux moyens de résister à un géant qui menacerait la diversité culturelle et le commerce de proximité. »Oui ils se gavent, et à nous de ne pas les gaver! », lançait la ministre de la Culture Roselyne Bachelot le 2 novembre. Depuis, les librairies, à Cannes ou Paris, sont allées jusqu’à braver l’interdit et ouvrir leurs portes en signe de résistance.Ailleurs dans la filière, les plus radicaux ont été une cinquantaine de petits éditeurs ou groupements d’éditeurs qui, début novembre, ont écrit dans une tribune: « Nous ne vendrons plus nos livres sur Amazon ». Enquête de l’AFP

L'Hebdomadaire Marianne du 12 novembre 2020

« On parle beaucoup d’Amazon avec beaucoup de fantasmes », lui répondait à l’AFP le directeur général d’Amazon France Frédéric Duval. Il relativisait la part de marché de son entreprise dans l’ensemble du commerce en France. Dans le livre, premier créneau de l’entreprise à sa création en 1995, on sait que cette part est en hausse, sans la chiffrer exactement. Le groupe ne divulgue pas ses ventes par produit et par pays.

Amazon.fr devance la Fnac-Darty et Cultura

Amazon.fr est, semble-t-il, numéro un depuis plusieurs années, devant la Fnac ou les Espaces culturels E.Leclerc. D’après le Syndicat national de l’édition, il réalise en temps normal 50% des ventes en ligne, estimation grossière, ce qui représenterait 10 à 15% des ventes totales. Le Syndicat de la librairie française pense qu’Amazon capte « plus de la moitié » des ventes en ligne et environ 10% au total.

Les confinements, qui ont contraint les librairies à fermer, ont amené la filière à revoir sa stratégie face à la multinationale. Elle s’est concentrée sur la communication. Ecrivains, jurys littéraires et même responsables politiques ont multiplié les appels à aider les libraires, autorisés à vendre des ouvrages précommandés (« click and collect »).

La chaîne Intermarché, par un « drive solidaire », a mis à disposition sa plateforme numérique pour les libraires dépourvus de site internet marchand. Cela semble très insuffisant. La librairie Le Grenier, à Dinan (Côtes-d’Armor), estime ansi qu’elle réalise actuellement 12% de son chiffre d’affaires habituel.

 Le modèle de la librairie en France « est bon » 

« Certains libraires commencent à être rentables en novembre-décembre, une période déterminante. Donc pour eux, ce deuxième confinement est très difficile », explique à l’AFP l’universitaire Vincent Chabault, spécialiste du marché du livre. « Pour autant, le modèle de la librairie en France est bon. C’est le premier secteur qui a subi l’arrivée d’Amazon et alors qu’on taxait les libraires de ringards, rétifs à la numérisation, ils se sont bien armés. L’enjeu est de faire venir du monde en magasin par des outils numériques, et ils y travaillent », ajoute l’auteur d’un « Eloge du magasin » paru en janvier.

Des librairies, à Cannes ou Paris, sont allées jusqu’à braver l’interdit et ouvrir leurs portes en signe de résistance.Ailleurs dans la filière, les plus radicaux ont été une cinquantaine de petits éditeurs ou groupements d’éditeurs qui, début novembre, ont écrit dans une tribune: « Nous ne vendrons plus nos livres sur Amazon ». »Nous ne voulons pas remplacer les conseils d’un ou d’une libraire par ceux d’un algorithme, ni collaborer à un système qui met en danger la chaîne du livre par une concurrence féroce et déloyale », détaillent-ils.

On y trouve pêle-mêle Hobo Diffusion, qui regroupe quelque 80 maisons, et des éditeurs militants anticapitalistes (Les Editions sociales, marxistes, Noir & Rouge, anarchiste, ou Les Editions libertaires) ou régionaux (Le Chien rouge à Marseille, Huber à Pau, Goater ou encore Pontcerq à Rennes).

Pour eux, le risque économique, sans être nul, n’est pas démesuré. « Il y a un report qui se fait, des clients en ligne qui, s’ils ne trouvent pas le titre sur Amazon, le cherchent ailleurs », explique à l’AFP le gérant de Hobo David Doillon. « On perd peut-être du chiffre d’affaires mais c’est une question de cohérence avec les ouvrages que l’on présente », ajoute-t-il.

Sortir complètement d’Amazon est cependant quasi impossible. La plateforme référence toutes les nouveautés, à partir de bases de données communes aux éditeurs. Et les livres que le groupe ne parvient pas à faire entrer dans son stock peuvent être proposés, via son service Marketplace, par des revendeurs d’occasions, des particuliers…

Au pays du prix unique du livre, la concurrence se joue sur les frais d’expédition, systématiquement fixés à 0,01 euro chez Amazon. Le gouvernement a donné un coup de main en annonçant début novembre qu’il prendrait en charge les frais postaux pour les libraires indépendants. Mais cela ne durera que le temps du confinement.

L’hebdomadaire Marianne:
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1 commentaires

  1. Bilan 2020: les librairies ont limité la casse et se prépare pour un rebond en 2021

    Les librairies ont limité la casse en 2020, l’activité globale de la profession affichant un recul de 3,3 % des ventes comparativement à 2019, grâce aux achats massifs des lecteurs lors des quelques mois d’ouverture, a annoncé mardi le Syndicat de la librairie française.

    « La fréquentation exceptionnelle en librairie après les deux périodes de fermeture a permis d’éviter une catastrophe », a expliqué le syndicat dans un communiqué, soulignant le « retour très massif » des lecteurs en librairie à la suite des deux périodes de confinement : +32% en juin, +35% en décembre.

    Ces données ont été collectées par l’Observatoire de la librairie, géré par le Syndicat de la librairie française. Celui-ci regroupe 368 librairies pour un chiffre d’affaires consolidé de 390 millions d’euros, soit plus du tiers du chiffre d’affaires de la profession.

    Les évolutions sont contrastées selon la taille des librairies, les plus grosses ayant le plus souffert de la fermeture. Plus le chiffre d’affaires est important, plus l’activité se rétracte. Ainsi, les librairies de plus de 4 millions d’euros de CA ont subi une baisse moyenne de plus de 9%.

    Une librairie sur cinq a accusé une baisse supérieure à 10%.

    La majorité des rayons ont été en baisse, à l’exception de la littérature, de la bande dessinée et de la vie pratique, qui ont représenté à eux trois la moitié des ventes en librairie en 2020.

    Pour le tourisme, le livre d’art (fermeture des musées, annulation des expositions) et l’universitaire, les contre-performances ont été directement imputables à la crise sanitaire.

    Une baisse des achats des bibliothèques supérieure à 5% est aussi relevée.

    Les librairies, cataloguées parmi les commerces non essentiels au deuxième confinement, avaient finalement pu rouvrir fin novembre, et ont donc pu profiter pleinement de la vague d’achats de la période de Noël. Beaucoup de voix s’étaient élevées pour demander leur réouverture, la lecture s’avérant une activité psychologiquement précieuse et très demandée en période d’arrêt des autres activités culturelles.

    Selon les estimations du syndicat, pendant le deuxième confinement, les ventes autorisées aux libraires, par correspondance et sur leur pas de porte (« click and collect »), ont assuré jusqu’à 20% du chiffre d’affaires réalisé en temps normal.

    © 2021 AFP
    Mise à jour 05.01.2021

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