Que pourraient vivre les derniers humains ? C’est leur histoire que raconte Victor Dixen dans son nouveau roman Extincta, un chant d’espoir et de colère qui met en scène un groupe de jeunes gens partis vivre un dernier voyage mais aussi une dernière histoire d’amour dans un monde qui s’effondre. Victor Dixen nous parle d’urgence écologique, de fin du monde mais aussi d’amour et d’espoir, dans ce dernier livre sélectionné pour le Prix Babelio 2020. Interview publié le 29/05/2020 par Pierre Krause pour Babalio.com
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Le monde décrit dans Extincta n’est guère réjouissant. Ce qu’il reste de l’humanité vit ses dernières heures dans un archipel plus ou moins hostile. Comment est né ce monde ? Est-il totalement imaginaire ?
Je fais le constat que le changement s’accélère plus que jamais dans l’Histoire, notamment du fait du développement technologique. Pour la première fois dans l’évolution de la vie, une espèce – la nôtre, Homo sapiens – a le pouvoir de changer la planète qui l’a vue naître, avec le risque de la détruire.
J’ai longtemps mûri le projet d’un roman futuriste sur l’urgence écologique, et j’ai écrit les prémisses de cette histoire il y a dix ans. Dans l’intervalle, le changement climatique s’est accéléré : nul ne peut plus en nier les effets dévastateurs. La sixième extinction de masse s’est confirmée : les espèces disparaissent de nos jours à un rythme de cent à mille fois supérieur au rythme naturel. Ce qui se dessinait il y a dix ans est devenu une évidence : nous rendons notre propre planète de moins en moins habitable, pour nous-mêmes et pour nos frères et sœurs animaux. Les experts nous disent qu’il est encore temps de réagir collectivement pour reprendre le contrôle de notre destin et éviter l’effondrement écologique. Mais il est aussi temps d’imaginer le pire. C’est le rôle des écrivains, et c’est ce que j’ai fait dans Extincta – car je suis profondément convaincu que les livres doivent nous permettre d’explorer tous nos futurs, les plus lumineux comme les plus sombres.
J’ai donc basé le monde d’Extincta sur les plus prédictions les plus pessimistes des climatologues et des biologistes, imaginant ce que deviendrait notre Terre dans quelques siècles si nous ne changeons rien à notre modèle de civilisation aujourd’hui. J’ai imaginé que presque toutes les espèces animales disparaissaient et que les Derniers Humains trouvaient refuge dans les Dernières Terres.
Au-delà de cette projection d’un avenir possible – que nous pouvons encore éviter aujourd’hui – j’avais aussi une question littéraire, intime, qu’il me tenait à cœur de creuser : que sauver de l’être humain dans un monde qui se délite ?
A quoi ressemble cet archipel exactement et quelles ont été vos inspirations principales pour le construire ?
Les Dernières Terres correspondent en réalité à l’archipel bien réel du Svalbard, au nord de la Norvège – bien que les personnages de mon roman en aient oublié le nom. J’ai utilisé les ressources géographiques offertes par le gouvernement norvégien afin de projeter ces quelques îles de l’océan Arctique dans un futur lointain, où toutes les glaces auraient fondu. Le profil des côtes s’en est trouvé affecté.
J’ai choisi le Svalbard pour sa position géographique très septentrionale – cela fait sens dans un monde transformé en étuve par le réchauffement climatique, où les Derniers Hommes cherchent un peu de fraîcheur. Mais il y a une seconde raison qui m’a poussé à choisir le Svalbard : son poids hautement symbolique. C’est en effet là-bas que se trouve la Réserve mondiale de semences, une chambre forte souterraine enterrée sous les glaces, destinée à conserver dans un lieu sécurisé des graines de toutes les cultures de la planète, pour préserver la diversité génétique.
C’est dans ce monde que vos personnages évoluent, lancés dans un ultime voyage. On fait progressivement la connaissance d’un duo improbable constitué d’Astréa, dont le frère est condamné à mort, et du prince Océrian. Qu’est-ce qui vous intéressait dans ces deux personnages aux profils si différents ?
Extincta est une vue en coupe de la société des Derniers Hommes. Pour mener cette exploration, il m’a semblé évident qu’il fallait mettre en scène deux personnages issus des extrêmes de cette société : Astréa vient de la plus basse caste, celle des travailleurs suants ; Océrian appartient à l’étrange aristocratie des apex, une forme d’humanité qui, on le devine dès les premières pages du roman, a commencé à muter pour s’adapter au monde ravagé des Dernières Terres.
Le fait d’avoir deux personnages si opposés, que l’on suit alternativement, nous offre deux visions du monde, de la politique et de la religion. Le voyage initiatique me permet de faire évoluer ces visions, voire de les renverser complètement… je n’en dis pas plus pour ne pas « spoiler » !?
SUITE de l’interview sur Babelio:
https://www.babelio.com/article/1321/Victor-Dixen–lurgence-ecologique-au-coeur-de-la