
Face aux pertes du Parisien, Bernard Arnault envisagerait une cession à Vincent Bolloré, ce qui inquiète la rédaction. Cette nouvelle fonctionnalité utilise une voix synthétique générée par ordinateur. Il peut y avoir des erreurs, par exemple dans la prononciation, le sentiment et le ton. Article du POINT par Olivier Ubertalli

Bernard Arnault cherche-t-il à se délester du Parisien-Aujourd’hui en France qu’il a acquis il y a dix ans pour une cinquantaine de millions d’euros ? C’est ce qu’affirment L’Obs et Challenges, qui précisent qu’un autre milliardaire français, Vincent Bolloré, déjà propriétaire de CNews, Europe 1 et Le Journal du dimanche (JDD), tiendrait la corde pour reprendre le journal.
Selon L’Obs, les deux hommes en auraient discuté au moins deux fois, notamment cet été lors d’une rencontre à Saint-Tropez. Le Tchèque Daniel Kretinsky, qui détient Franc-Tireur, Marianne, Elle, la chaîne T18 et le groupe d’édition Editis, serait également intéressé par le quotidien. Contacté à plusieurs reprises, le groupe LVMH n’a pas répondu à nos sollicitations. Interrogé le 8 septembre lors de la conférence de presse de rentrée de Radio Classique, le PDG du groupe Les Échos-Le Parisien, Pierre Louette, a refusé de faire un commentaire sans nier l’hypothèse d’une cession.
L’hypothèse d’une vente à Vincent Bolloré tétanise la rédaction du Parisien.
L’onde de choc traverse les couloirs de la rédaction du quotidien populaire de qualité qui se trouve boulevard de Grenelle. Dans les locaux du 15e arrondissement parisien, la stupeur a laissé place à l’angoisse. Les rumeurs de vente ricochent de bureau en bureau, envahissent les messageries WhatsApp. La perspective d’être avalés par Vincent Bolloré glace le sang des rédacteurs. « L’hypothèse prend corps. Si cela se confirme, ce serait une véritable catastrophe », glisse l’un d’eux. Il dit refuser « catégoriquement de se fondre dans la ligne de la droite radicale défendue par CNews et le JDD ».
« Ce n’est pas la première fois qu’il y a de telles rumeurs, mais cette fois le contexte est différent. Le journal, qui connaît d’importantes pertes financières et une réorganisation visant à réduire la voilure, est dans une grande incertitude », témoigne Christel Brigaudeau, présidente de la société des journalistes du quotidien (SDJ). « Si Bernard Arnault vend le journal au groupe Bolloré, ce serait désastreux pour le paysage médiatique. Le Parisien mérite de continuer d’exister. »À l’Élysée, on suivrait attentivement le dossier, à moins de deux ans de l’élection présidentielle en 2027.
Une lettre pour conjurer le sort
La SDJ et les représentants syndicaux SNJ, SNJ-CGT, Syndicat général du livre et de la communication se mobilisent dans une lettre adressée au PDG de LVMH, Bernard Arnault. « Nous vous écrivons aujourd’hui sous le coup d’une très vive émotion », débutent les auteurs, pour qui vendre Le Parisien au groupe Bolloré « serait une catastrophe. »
« À l’instar du groupe que vous avez construit, poursuivent-ils, ce journal appartient au patrimoine français. Vendre cet héritage éditorial au groupe Bolloré reviendrait à livrer à une idéologie militante d’extrême droite un des grands quotidiens du pays, à appauvrir la pluralité de l’information en France […] Si vous envisagez cette vente, nous vous demandons d’y renoncer. » Ce faisant, les employés du Parisien tentent d’éviter d’être mis devant le fait accompli. Le prochain CSE doit se tenir mardi 16 septembre.
Gouffre financier
Bernard Arnault et son fils aîné Antoine, qui pilote la stratégie médias du groupe (Paris Match, Les Échos…), semblent avoir atteint leur seuil de tolérance face à l’hémorragie financière d’un titre malmené par la crise des kiosques et son virage numérique tardif. D’autant qu’ils investissent actuellement à perte dans une autre activité, le football, avec la récente montée du Paris FC qu’ils contrôlent en Ligue 1.
« Notre objectif est que nos entreprises médias redeviennent rentables », confiait Bernard Arnault en janvier 2022 lors de son audition par la commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias. Or, ces dernières années, Le Parisien n’a cessé de s’enfoncer dans le rouge, perdant une vingtaine de millions d’euros par an, pour un chiffre d’affaires d’environ 150 millions d’euros. Puis, le déficit s’est encore accru. Il a atteint 33 millions d’euros en 2024 et devrait encore avoisiner une trentaine de millions d’euros cette année.
Valse de dirigeants
Le journal a réduit ses coûts en 2020-2021 avec la suppression des éditions départementales et un plan de départs volontaires d’une cinquantaine d’employés. Après Stéphane Albouy jusqu’en 2020, le tandem Jean-Michel Salvator – Rémy Dessarts a été un échec, et Nicolas Charbonneau a repris le flambeau en 2022.
À l’étage au-dessus, la directrice générale Sophie Gourmelen, qui avait lancé une nouvelle réorganisation, a quitté le quotidien le 1er juillet dernier, en partance pour le groupe de presse régional Ebra (Le Dauphiné libéré, Le Progrès, L’Alsace, Dernières Nouvelles d’Alsace…). Elle n’a pas été remplacée. Néanmoins, la consultante Anne-Violette Revel de Lambert a été missionnée par Antoine Arnault pour renforcer la direction.
À DécouvrirLe Kangourou du jourRépondreDans le cadre d’un plan d’économies qui visait 29 journalistes, 46 d’entre eux ont finalement quitté le quotidien. 17 départs n’ont pas été remplacés comme s’y était engagée la direction. Le plan de transformation de la rédaction, avec notamment un nouveau responsable du numérique, l’actuel directeur adjoint du journal Antonin Chilot, à la manœuvre pour le choix des sujets, et Jean-Baptiste Isaac, directeur adjoint des rédactions chargé de l’édition papier, entre en vigueur lundi 15 septembre.
C’est dans ce climat tendu que la rédaction du Parisien tente d’obtenir l’attention de Bernard Arnault. Certains se souviennent qu’en 2022, devant les sénateurs, le PDG déclarait : « Si Le Parisien venait, demain, à défendre des thèses d’extrême droite ou d’extrême gauche, je serais évidemment gêné. » Au siège du journal, certains s’interrogent : « Est-ce déjà demain ? »
Source: Le Point. Par Olivier Ubertalli
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