Sandrine Collette, Prix Goncourt des lycéens est toute souriante . Avec son dernier roman « Madelaine avant l’aube » , elle vient d’être couronné par le prix Goncourt des lycéens, l’un des plus prestigieux prix de la rentrée littéraire. Rencontre avec l’autrice qui affirme au Point** que « Les jeunes ont besoin d’entendre autre chose que : “tout va péter” ». Interview et rappel sur la place du Prix Goncourt des Lycéens dans le concert des prix littéraires.
Le Goncourt des lycéens, un prix pas comme les autres
Est-ce son jury, 2 000 lycéens fougueux et exigeants, qui fait la différence ? Histoire d’un prix qui joue dans la cour des grands. Il sera remis ce jeudi 28 novembre .Par Élise Lépine pour LePoint.fr, Publié le 26/11/2024
« Ce prix a changé ma vie. » Quand on évoque avec Sorj Chalandon le prix Goncourt des lycéens, qu’il a obtenu en 2013 pour Le Quatrième Mur, il ne camoufle ni son émotion ni sa gratitude. Quand il a appris que son roman avait été choisi par les lycéens qui forment le jury, il était assis sur un banc, dans un square. Il souligne qu’il pleuvait, ce qui a camouflé les larmes qui coulaient sur son visage. « Je les ai appelés et je leur ai dit ce que je dis toujours : ce prix est un cristal pur, sans la moindre aspérité. »
Le mot « pur » revient aussi dans la bouche d’Estelle Flavet, responsable des événements culturels de la Fnac, qui organise le prix, offrant notamment les livres à tous les lycéens et organisant la tournée des auteurs, en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale et en accord avec l’Académie Goncourt. « Le prix est pur, spontané, surprenant. Il se passe autour de lui quelque chose de fort, il génère des émotions puissantes », dit celle qui gère l’organisation du prix Goncourt des lycéens depuis une douzaine d’années.
Lancé en 1988 par un professeur de lettres et une libraire de la Fnac de Rennes, il fonctionne suivant un principe simple : 2 000 lycéens de toute la France sont invités à lire la sélection et à choisir leur favori. Décerné, l’année de son lancement, à Erik Orsenna pour L’Exposition coloniale (Seuil), il a, depuis, récompensé une multitude de grands noms de la littérature française, tels que Laurent Gaudé, Philippe Claudel, Catherine Cusset, Delphine de Vigan…
« Le prix Goncourt des lycéens a très vite séduit et est rapidement monté en puissance, mais c’est en 2016, quand les jeunes ont récompensé Gaël Faye, qu’il a pris toute son ampleur », explique Estelle Flavet. Les ventes de Gaël Faye, qui publiait son premier roman, Petit Pays, sur le génocide rwandais, ont été stratosphériques après son couronnement, l’enthousiasme des jeunes confinant au militantisme : « Petit Pays a séduit pour sa qualité littéraire, bien sûr, mais aussi pour son aspect sociétal, poursuite Estelle Flavet. Depuis, ce genre de sujets est plus présent dans la volonté des jeunes, ils veulent vivre ce prix comme un engagement. »
Sorj Chalandon se souvient : « Le Quatrième Mur est un livre très dur, consacré au massacre de Sabra et Chatila. Lors d’une rencontre avec les jeunes, je leur ai expliqué que j’avais été l’un des premiers à entrer dans les camps, où les massacres n’étaient même pas encore terminés. Je leur ai raconté que tout était mort : les hommes, les femmes, les enfants, les bébés, les chiens et les chats. Je leur ai dit que jamais de ma vie je ne m’étais senti aussi seul. Au moment des questions, un jeune homme se lève et me dit cette phrase qui m’accompagne tout le temps : “Vous n’étiez pas seul, nous étions avec vous dans les camps.” »
Opération séduction
Dites bien aux romanciers qu’il faut faire toutes les dates. Les jeunes détestent qu’on ne se déplace pas. Sorj Chalandon
Le prix Goncourt des lycéens est remis chaque année à la fin du mois de novembre, à l’issue d’un marathon mené par les auteurs dans dix villes de France, auprès des classes de lycéens sélectionnées pour voter (le prix invite les lycées généraux, professionnels et les BTS). « Si, dans votre article, vous donnez des conseils aux romanciers, dites-leur bien qu’il faut faire toutes les dates, averti Sorj Chalandon. Les jeunes détestent qu’on ne se déplace pas : si on ne le fait pas, ils ne liront pas. Mais il faut surtout y aller pour entendre leurs questions, qui ne ressemblent à aucune autre. Ils sont vrais, curieux, intègres. Ils posent des questions que l’on garde avec soi pour l’écriture des prochains romans. »
« Depuis quelques années, avec la montée en puissance du prix, tous les auteurs se déplacent, poursuit Estelle Flavet. Ce sont des moments très forts, les auteurs nouent des liens d’amitié qu’ils n’auraient pas sur d’autres événements, dans des festivals de rentrée. Quant aux jeunes, ils sont exigeants, fougueux. C’est une école pour les écrivains qui leur font face. »
À DécouvrirLe Kangourou du jourRépondreConscients des enjeux, soucieux de séduire ce jeune public intraitable, les candidats au prix Goncourt des lycéens savent qu’ils ont la possibilité d’obtenir un prix différent des autres, qui ne s’intéresse ni aux tendances, ni aux influences, ni aux maisons d’édition, mais simplement à l’effet produit par la lecture et au charisme de celles et ceux qui écrivent.
Avec, à la clé, l’occasion de changer à jamais son destin d’écrivain : « L’effet Goncourt des lycéens, c’est un coup de jeune sur le lectorat, qui perd d’un coup tous ses cheveux blancs. Certains jeunes qui ont voté pour Le Quatrième Mur, ou qui l’ont lu après le prix me suivent fidèlement depuis plus de dix ans. L’enjeu est majeur », conclut Sorj Chalandon. Alors, qui, parmi les cinq finalistes – Olivier Norek, Sandrine Collette, Abdellah Taïa… – (sur 14 auteurs en lice cette année) décrochera la timbale cette année ? Réponse jeudi, à la mi-journée, à l’issue de l’ultime délibération des lycéens, qui aura lieu à Rennes, là où tout a commencé…
*** Source et suite de l’interview : LePoint.fr
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