Jardinier des toits et fondateur de Topager

Du haut des toits ou s’épanouit le maraîchage urbain, on voit la vie sereinement. Dans le cadre de l’appel à projets de la ville de Paris, un potager de 2500 mètres, élaboré et cultivé par la société Topager, se déploie sur les toits de l’opéra Bastille. Les fruits et légumes font la joie du personnel de l’opéra, des restaurateurs et des habitants alentour.  Entretien avec son fondateur Nicolas Bel, également auteur du livre Potager urbain.

Entretien avec Nicolas Bel pour Hors-site 

Virginie Speight. Comment le biomimétisme se traduit-il dans le cadre de Topager et quel rapport entre un potager urbain et le biomimétisme ?
Nicolas Bel.
 Au sujet du biomimétisme,ce qu’on a vraiment souhaité développer avec Topager, c’est le fait de s’inspirer des écosystèmes, plus que de s’inspirer d’un organisme vivant ou d’une espèce en particulier. cela tiens en trois piliers : Le premier pilier, c’est lié à tout ce qui est économie circulaire dans un écosystème où tous les déchets sont des ressources et nous, on essaye de fonctionner au maximum dans une valorisation des déchets urbain. 

L’origine de Topager, ça n’a pas été une envie gastronomique de cultiver sur les toits. L’origine de Topager, ça a été un vrai souci de se dire – une ville, c’est un peu, un aspirateur de ressources et cela rejette plein de déchets à l’extérieur. Et de penser comment on pourrait introduire des cycles dans la ville. Il y a déjà beaucoup de travail qui est fait sur le papier, sur le plastique, sur le verre et il y a un peu près d’un tiers de déchets organiques qui commencent juste à être valorisés aujourd’hui.

En faisant des recherches, on s’est aperçu qu’il y avait beaucoup d’initiatives déjà pour faire du compost urbain. À l’époque, c’était encore peu développé. Il n’y avait pas les alchimistes par exemple qui ont développé toutes ces technologies hyper intéressantes. Par contre, il y avait très peu de lieux où l’utiliser et comptetenu de la pression foncière, cela paraît déraisonnable de consacrer beaucoup d’espace au sol à l’agriculture urbaine parce que le peu d’espace au sol existant, il faut le consacrer aux parcs, aux squares, proposer des vrais lieux de vie pour les gens. Pour faire de la production, il nous a semblé logique d’utiliser les toits. Premier pilier, dans un écosystème, tous les déchets sont des ressources et donc on veut transformer les déchets en ressources. C’est un peu une façon de renommer l’économie circulaire. 

L’inspiration de la nature a été forte dans cette idée. La deuxième vision, elle est beaucoup plus technique… Sur un toit, on a un vrai problème de ce qu’on appelle, le lessivage des nutriments. C’est à dire comme on a des substrats qui sont à la fois drainants et très fins, l’eau de pluie va très facilement dissoudre et emmener tout ce qui est l’azote, phosphore et potassium. 

Tout ces éléments dont les plantes se nourrissent. Dans un sol vivant, ce qui permet d’éviter cela, c’est notamment la présence d’humus qui va créer des liaisons chimiques faibles qui vont permettre d’agréger tout cet azote, ce phosphore et potassium. Cela va se stocker pendant l’hiver. Et les plantes vont pouvoir ainsi le récupérer au printemps. On a été les premiers à étudier comment un sol sur un toit pouvait se comporter.

Si on ajoutait des vers de terre, si on les maintenait en vie, en gardant une certaine humidité, avec des champignons, des bactéries etc. Et comment, on pouvait comme ça, contribuer à la création d’humus et mieux retenir les nutriments. Le fait d’imiter un sol vivant, c’est le deuxième pilier de la stratégie de Topager et le troisième pilier, c’est de se dire qu’un bâtiment va toujours s’installer sur un écosystème existant, que ce soit une prairie, une forêt ou autre. 

Comment on peut réinstaller sur ce bâtiment un écosystème qui va rendre les mêmes services qu’un écosystème naturel ? C’est tous ces services classiques de régulation des eaux ou un peu plus, on va dire différents aujourd’hui de lutte contre l’effet de haute chaleur urbain en rafraîchissant activement, mais aussi bien sûr même si c’est marginal, le travail de fixation du CO2, et d’acoustique par rapport aux bruits des avions.

Esquisse du projet lauréat porté par topager à l’appel à projet Pariculteurs de la Mairie de Paris. 

V.S. Faites-vous beaucoup appel au numérique 

N.B. Très peu, nous avons la croyance dans le low-tech, c’est à dire en pensant que le numérique a aussi ses limites parce que c’est dur à maintenir, parce que ça génère des déchets spécifiques qui ne sont pas forcément évidents à recycler. Le numérique, on va le limiter à une gestion très précise de l’irrigation qui est pour nous, le critère très délicat sur les toits. En ayant recours s’il le faut à des commandes à distance par exemple. On va retarder, même si c’est probablement l’avenir, l’utilisation des drones Recall en plein développement un peu partout. Cela paraîtrait logique de les utiliser sur les toits, dans un contexte où ils sont protégés, où cela peut bien marcher. Mais nous, on croit vraiment que c’est un type de travail qui est particulièrement favorable à l’insertion de personnes qui peuvent avoir des difficultés à s’insérer dans la société. C’est à la fois un travail valorisant, un travail de plein-air… Nous essayons de développer au maximum des techniques qui soient « efficaces » dans l’humain

V.S. Quelle est l’évolution des
architectes face à l’agriculture
urbaine ?

N.B. La principale évolution, c’est que l’agriculture urbaine, c’est une forme de paysage et beaucoup d’architectes, enfin pas tous, ont une vision du paysage qui est très ornementale. Avec l’agriculture urbaine, on rajoute beaucoup de fonctions, le participatif devient très important. Les architectes doivent un peu lâcher le contrôle pour qu’il y ait une partie qui soit participative. Parce que l’important pour un jardin potager, c’est de prévoir toujours une base pour toutes les fonctions minimales et qu’ensuite on laisse le libre champ aux utilisateurs de le personnaliser et de le faire évoluer. C’est vrai qu’il y avait une tradition dans l’architecture qui était vraiment d’inscrire un bâtiment dans le temps, avec des matériaux et des formes très pérennes. Alors que dans un jardin partagé, il faut absolument que cela soit évolutif parce que les générations changent, les gens veulent expérimenter des choses différentes, et la forme qui est donné à l’origine va évoluer dans le temps. C’est une approche qui est assez différente pour les architectes et les promoteurs d’ailleurs. On doit accepter que l’usage, la forme évoluent avec le temps.

Par Virginie Speight –   4 février 2020  570 Share

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