Face à la désinformation et à la dépendance aux plates-forme pilotés, malgré nous, par les algorithmes, les organisations s’organisent. D’une par les Etats généraux de l’information fédèrent les initiatives, le syndicat de presse Spiil soutient ses ambitions dont l’éducation aux médias et à l’information (EMI) au rang de priorité à l’école. A ce titre le Spiil a récemment rejoint l’Apem; l’Association pour l’éducation aux médias. Voici l’état des lieux qui intéressent les enseignants, journalistes et influenceurs.
Après plusieurs mois de travail, les États généraux de l’information ont présenté leurs conclusions le jeudi 12 septembre dernier. Les parlementaires du groupe « médias, informations de la majorité présidentielle », constitué lors de la précédente législature, ont quant à eux partagé leurs propositions le 17 septembre dans le cadre d’un livre blanc. Le Spiil rejoint les constats posés par les groupes de travail et partage l’appel de Bruno Patino à œuvrer collectivement au sein de la filière pour réaffirmer le rôle central d’une information fiable et de qualité dans notre société démocratique.
- Le Spiil, qui défend de longue date une actualisation de la loi Bichet à l’ère du numérique, accueille avec enthousiasme l’obligation pour les plateformes d’afficher de façon non discriminatoire les contenus informationnels et la proposition de dégroupage des algorithmes afin de redonner aux internautes l’accès à une pluralité de contenus et la maîtrise du flux informationnel qui se présente à eux.
- Le Spiil se réjouit du volontarisme affiché par le comité de pilotage pour réguler les plateformes. L’instauration d’une contribution obligatoire des plateformes sur la publicité numérique constitue une proposition intéressante, à articuler avec les droits voisins, en intégrant la nouvelle dimension de captation de valeur générée par le recours à l’intelligence artificielle.
- Le Spiil approuve également l’encouragement à la fédération entre producteurs d’information, pour constituer un front uni face aux plateformes et pour réfléchir ensemble aux enjeux qui bouleversent l’écosystème de l’information. Cet appel au rassemblement est au cœur du projet du Spiil de créer un Centre national de l’information, pour permettre à la profession de se réunir et de porter des propositions communes. Le Spiil se félicite que les parlementaires aient repris cette proposition dans leur livre blanc.
- Le Spiil partage l’ambition des États généraux d’ériger l’éducation aux médias et à l’information (EMI) au rang de priorité, à l’école, mais aussi pour toutes les générations, et de s’appuyer sur les médias pour atteindre cet objectif. Le Spiil, qui a récemment rejoint l’Apem (Association pour l’éducation aux médias) y prendra toute sa part. Les compétences des journalistes professionnels les désignent tout particulièrement pour réaliser des interventions d’EMI. Toutefois, ces dernières ne doivent pas se faire sans contrepartie. Le Spiil est donc favorable aux propositions formulées dans le livre blanc des parlementaires, pour permettre aux médias de concilier les interventions auprès du public avec le travail quotidien dans les rédactions, par le biais de mécanismes de compensation financière ou la mise en place d’un fonds pour assurer les remplacements des journalistes occupés par les missions d’EMI. Par ailleurs, l’éducation aux médias ne saurait être pleinement efficace si elle ne s’accompagne pas de mesures pour renforcer la visibilité des médias professionnels auprès du grand public. Veiller à inclure plus largement les contenus de presse dans le Pass Culture y contribuerait utilement.
- Le Spiil prend acte des réflexions du comité du pilotage pour renforcer la protection de la liberté d’informer, notamment en clarifiant le périmètre de « l’impératif prépondérant d’intérêt public », en prévoyant que tout acte d’enquête ou d’instruction devra être préalablement autorisé par un juge des libertés et de la détention, ou en fixant dans la loi une définition précise des procédures bâillons. Néanmoins, le Spiil appelle à aller beaucoup plus loin pour garantir aux journalistes que certaines situations inacceptables dont ils ont pu être victimes par le passé (mise sur écoute, placement en garde à vue, etc.) ne se reproduiront plus. Le Spiil regrette que certaines idées mises en avant dans le cadre des groupes de travail, qui auraient été de nature à apporter de telles garanties, aient été écartées par le comité de pilotage. Face à la recrudescence des atteintes à la liberté d’informer par le recours à la loi sur le secret des affaires, le Spiil se prononce en faveur de l’opposabilité du droit à l’information dans les instances judiciaires concernées et plaide pour le renforcement de la protection du secret des relations entre les journalistes et les sources internes aux entreprises.
- Le Spiil observe avec intérêt les propositions pour responsabiliser l’ensemble des acteurs, telles que la labellisation des influenceurs d’information s’engageant à respecter des bonnes pratiques en matière de transparence et de déontologie. En revanche, le Spiil est plus réservé sur la proposition du livre blanc des parlementaires consistant à octroyer une reconnaissance « d’organe de presse » aux créateurs de contenus quand bien même ces derniers sont uniquement présents sur les réseaux sociaux. Cette proposition risque de renforcer la dépendance aux plateformes, contre laquelle le Spiil s’érige en accompagnant ses membres vers le développement de leur propre vecteur numérique (site, newsletter ou appli mobile).
- Le Spiil est sensible à la notion de « responsabilité démocratique » visant à inciter les annonceurs à dépenser de la publicité dans les médias plutôt que sur les plateformes. Le Spiil appelle néanmoins à assortir cette mesure d’une incitation à privilégier plusieurs supports afin d’inciter au pluralisme, ainsi que d’une vigilance en cas de dépenses publicitaires d’un annonceur dans des médias dont il serait propriétaire.
- La création d’un statut de « société à mission d’information » appelle également notre vigilance quant à la capacité de tous les éditeurs, y compris les petites structures, à s’engager dans cette démarche. En ouvrant droit à une bonification des aides, elle risque d’être discriminante et d’engendrer des distorsions de concurrence à leur détriment.
- Le Spiil observe par ailleurs que le sujet de la concentration verticale, poussée par la prise de contrôle de titres par des groupes dont l’activité principale se situe hors du champ de la presse, n’a été que marginalement abordé. Le Spiil accueille toutefois favorablement la recommandation du comité de pilotage de nommer, au sein des groupes multimédias, un administrateur indépendant chargé de veiller à la prévention des conflits d’intérêts.
- Le Spiil regrette que les EGI ne se soient pas penchés sur l’architecture générale des aides à la presse, pour sortir d’une vision en silo qui n’est plus adaptée à la convergence entre canaux de diffusion, gagner en clarté et en visibilité pour les éditeurs. Enfin, le Spiil regrette que la question des coûts croissants de la distribution de la presse en ligne (référencement, serveurs, maintenance des sites, etc.) n’ait pas été abordée dans les discussions. Au même titre qu’il existe un soutien public à la distribution de la presse imprimée, il nous semble légitime de poser la question d’une aide à la distribution de la presse en ligne.
Le Spiil, qui a largement pris sa part aux États généraux de l’information, entend s’impliquer tout aussi activement dans le dialogue interprofessionnel et dans les concertations menées par les pouvoirs publics pour concrétiser les propositions.
Sources:
SPIIL:
APEM
ApprofonLire.fr