Champagne ! Les salles de cinéma ont rouvert leurs portes mercredi 19 mai avec un couvre feu fixé à 21 heures, après plusieurs mois de fermeture – depuis le 30 octobre 2020 – pour cause de pandémie. Une trentaine de films en salle pour la réouverture : longs-métrages à l’exploitation écourtée, candidats aux Oscars et de « Cannes 2020 » sont au programme des prochaines semaines. Sélection par Lemonde.fr
L’image de cette « rentrée » cinématographique pourrait être celle d’une bouteille de pétillant un peu trop secouée, dont les bulles impatientes (les films) n’aspirent qu’à jaillir. Car, de confinement en couvre-feux, entre 400 et 450 longs-métrages se sont entassés sur les étagères des distributeurs, qui attendent de rencontrer leur public. C’est bien la question: Les distributeurs vont devoir se partager le même gâteau, un total de 5 900 écrans.
Un gâteau avec un plus grand nombre d’œuvres à l’affiche. Au grand banquet du cinéma, il n’est pas dit que tout le monde trouvera sa place, prévient l’un des coprésidents du Syndicat des distributeurs indépendants (SDI), Etienne Ollagnier : « Est-ce que certains gros distributeurs vont accepter de diminuer le nombre de séances pour leurs propres sorties, afin de laisser de l’espace aux autres ? Ou bien est-ce que ceux qui n’avaient déjà que des miettes vont se retrouver avec des demi-miettes ? », résume le patron de Jour2Fête. Les blockbusters américains se faisant rares sur le grand écran, à l’exception notamment de Black Widow, de Cate Shortland, avec Scarlett Johansson, attendu pour le 7 juillet, la bataille pour les écrans pourrait se jouer principalement à l’échelle du cinéma français.
Des ressorties
Le 19 mai, on se rattrape : parmi les films sortis fin octobre 2020, dont l’exploitation a été écourtée, quelques-uns ressortent sur grand écran : citons Adieu les cons, d’Albert Dupontel, qui avait réalisé 700 000 entrées en une semaine et a triomphé aux Césars (sept statuettes, dont celles du meilleur film et du meilleur réalisateur), ADN, de Maïwenn, ou encore Garçon Chiffon, de Nicolas Maury. Sorti le 12 février 2020, Deux, de Filippo Meneghetti, une histoire d’amour entre deux femmes d’âge mûr, fait de nouveau le pari de la salle après avoir décroché le César du meilleur premier film en 2021.
Son affiche pop et colorée aura longtemps hanté les couloirs du métro. Annoncé pour le 16 décembre 2020, Mandibules, de Quentin Dupieux, connaîtra enfin les joies de la salle le 19 mai. Le maître de l’absurde (Rubber, Steak, Le Daim…) espère élargir son socle de spectateurs avec une fausse comédie d’ados au casting éclectique (le duo d’humoristes Grégoire Ludig et David Marsais, Adèle Exarchopoulos, India Hair, Roméo Elvis) : deux copains un peu perchés découvrent une mouche géante dans le coffre d’une voiture et décident de la dresser pour gagner de l’argent… Le 19 mai démarrera aussi la rétrospective intégrale des films de l’Iranien Abbas Kiarostami (19402016), au Centre Pompidou à Paris.
Les Oscars en fanfare
Parmi les huit longs-métrages qui étaient en lice pour le meilleur film, le 25 avril, cinq d’entre d’eux font le choix du grand écran. The Father, de Florian Zeller, et Promising Young Woman, de Emerald Fen nell, sortent le 26 mai. Grand gagnant des Oscars, Nomadland, de Chloé Zhao, le périple d’une femme qui part à la rencontre des marges américaines, arrive en salle le 9 juin, auréolé des Prix du meilleur film et de la meilleure réalisatrice, et du Prix de la meilleure actrice pour Frances McDormand. Sound of Metal, de Darius Marder, est attendu pour le 16 juin, et Minari, de Lee Isaac Chung, le 23 juin.
Du fantastique à la fresque historique dotés pour la plupart du label « Cannes 2020 », ils sont sur la ligne de départ. Outre Mandibules, deux premiers longs-métrages se fraient un chemin, le 26 mai : Slalom, de Charlène Favier, sonde la relation toxique entre une championne de ski (Noée Abita) et son coach (Jérémie Renier), sans tomber dans le film à sujet. Porté par la présence énigmatique de Grégoire Colin, Si le vent tombe, de Nora Martyro syan, a pour cadre l’aéroport fantôme d’un territoire bien réel mais dénué d’existence juridique, le HautKarabakh.
On continue dans la veine fantastique : le 2 juin, Petite maman, de Céline Sciamma, troublant jeu de miroirs entre une fillette, sa mère et sa grand-mère, « cohabitera » avec la fresque historique de Lucas Belvaux : Des hommes, adapté du roman de Laurent Mauvignier, fait resurgir les non dits de la guerre d’Algérie, avec Gérard Depardieu, Catherine Frot et JeanPierre Darroussin.
Benoît Jacquot, lui, s’inspire de Marguerite Duras et signe Suzanna Andler (2 juin), l’histoire d’une femme mariée (Charlotte Gainsbourg) qui tente de s’émanciper avec un jeune amant (Niels Schneider). Le 16 juin, on pourra se détendre avec Les Deux Alfred, de Bruno Podalydès, les aventures d’un chômeur de longue durée (Denis Podalydès) qui se voit obligé de cacher l’existence de ses deux enfants, alors qu’il vient de se faire embaucher dans une startup.
A moins que l’on ne préfère les sueurs froides de La Nuée, de Just Philippot, portrait fiévreux d’une éleveuse de sauterelles (Suliane Brahim, de la Comédie Française), qui tente un geste désespéré pour sauver son affaire (également le 16 juin). Il y a aussi ce père issu de l’immigration (Abdel Bendaher), qui ne jure que par le travail et désespère de voir son fils partir en vrille, dans Ibrahim, de Samir Guesmi (23 juin). Le temps passe et, à un an de la présidentielle de 2022, Présidents, d’Anne Fontaine (30 juin), suit l’odyssée d’un ancien chef d’Etat, prénommé Nicolas (Jean Dujardin) : désireux de retenter sa chance à l’Elysée, il réussit à convaincre un autre ex-président, François (Grégory Gadebois), de faire campagne avec lui.
Cannes en ligne de mire
Enfin, si tout se passe comme prévu, le Festival de Cannes aura lieu du 6 au 17 juillet et s’ouvrira avec Annette, de Léos Carax (6 juillet), qui sortira simultanément en salle : un couple de stars, un comédien de standup (Adam Driver) et une cantatrice (Marion Cotillard), voit sa vie bousculée par l’arrivée de leur premier enfant. Déjà annoncé en compétition officielle pour le 9 juillet, et en salle le même jour, Benedetta, de Paul Verhoeven, retrace l’histoire (vraie) d’une nonne lesbienne au XVIIe siècle, Benedetta Carlini (Virginie Efira), qui eut une liaison avec une autre sœur (Daphne Patakia) et fut privée de tout contact humain pendant des années. De quoi saisir les spectateurs déconfinés.
Source:
Clarisse fabre pour Le Monde.fr
Sur Première : Films à voir dès la réouverture des salles de cinéma le 19 mai