Les Vingt-Sept pays Européens se sont mis d’accord ce vendredi 11 décembre pour relever leur objectif de réduction de gaz à effet de serre d’ici 2030, à l’issue d’une nuit blanche de tractations avec la Pologne, après avoir sauvé la veille leur plan de relance massif post-civid. Un renforcement des objectifs devenus nécessaire sachant que le Traité de Paris dont on fête les 5 ans fixait « un objectif de deux degrés maxi, voire 1,5 degré mais son application par les pays signataires reste insuffisant » selon Laurent FABIUS . Alors ministre des Affaires étrangères en France, celui-ci présidait la COP21 à Paris. « Ce sont les gouvernants qui ont déçu » déclare-t-il aujourd’hui dans une interview pour Sud-Ouest***.
« Cette réunion a été l’occasion de montrer la force tranquille de l’UE », a estimé le président du Conseil européen Charles Michel lors d’une conférence de presse finale, reconnaissant que les discussions avaient été « difficiles » sur la Turquie et le climat. A la veille du cinquième anniversaire de l’Accord de Paris, les Européens ont donné leur feu vert à une baisse des émissions du continent d' »au moins 55% » d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990, contre un objectif de 40% actuellement, afin d’arriver à la neutralité carbone en 2050.
Le sommet a adopté « une proposition ambitieuse pour un nouvel objectif climatique », s’est félicitée sur Twitter la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. « Cela valait la peine de perdre une nuit de sommeil », a commenté la chancelière allemande Angela Merkel, dont le pays exerce la présidence de l’UE jusqu’à la fin de l’année.
« Pas de plan B » pour le climat
« Dix ans, c’est demain. Alors, mettons tout en œuvre pour réussir, maintenant, tous ensemble. Car il n’y a pas de plan B », a réagi le président français Emmanuel Macron. Les ONG environnementales ont toutefois critiqué une « ambition en trompe l’oeil », jugeant l’objectif insuffisant pour concrétiser l’accord de Paris et déplorant l’inclusion du gaz dans « les énergies de transition ».
Elles regrettent également que la réduction de 55% soit « nette », c’est-à-dire incluant le CO2 absorbé par les « puits » naturels de carbone comme les forêts, ce qui réduit mécaniquement la baisse réelle visée dans les secteurs polluants. Les modalités et la répartition des efforts ont été au coeur des négociations: la Pologne, très dépendante du charbon, exigeait des garanties sur les aides financières qu’elle obtiendrait.
La Pologne avait déjà fait front commun avec la Hongrie pour paralyser le plan de relance et le budget européens. Un blocage dommageable pour les économies européennes frappées de plein fouet par la pandémie, qui a finalement été levé jeudi à la suite d’un compromis avec les deux frondeurs. La voie est désormais dégagée pour permettre à l’Europe d’emprunter solidairement pour relancer son économie, sans sacrifier le nouveau mécanisme conditionnant l’octroi de ses fonds au respect de l’Etat de droit (justice indépendante, politique anticorruption…).
Hostiles à ce dispositif et accusées régulièrement de saper les valeurs démocratiques, la Hongrie et la Pologne bloquaient le budget européen pour la période 2021-2027 (1.074 milliards) et le plan de relance (750 milliards d’euros), adoptés en juillet.
Pour vaincre leurs réticences, la présidence allemande de l’UE a proposé que le mécanisme soit assorti d’une déclaration « explicative », précisant notamment la possibilité de saisir la Cour de justice européenne pour examiner sa légalité avant qu’il n’entre en application, quitte à la retarder. Un tel recours prend 18-19 mois en moyenne, selon la Cour… soit jusqu’aux prochaines élections en Hongrie. Mais une fois validé, le dispositif s’appliquera rétrospectivement à partir de janvier 2021. La déclaration a été approuvée jeudi par les Vingt-Sept.
Les premiers versements du fonds de relance pourraient intervenir d’ici la fin du premier trimestre 2021, selon l’Elysée.
Les Européens avaient par ailleurs surmonté en fin de soirée leurs divisions pour sanctionner la Turquie en raison de ses travaux d’exploration gazière dans des zones maritimes disputées avec la Grèce et Chypre. Le président français s’est félicité de cette « preuve de fermeté », Angela Merkel, dont le pays était réticent à l’adoption de sanctions, jugeant « le consensus » obtenu « très équilibré ».
La décision porte sur des sanctions individuelles – une liste de noms va être établie -, et des mesures supplémentaires (ajout de nouveaux noms, d’entreprises) pourront être décidées en mars lors d’un nouveau point d’étape, si la Turquie poursuit ses actions.
Par Julien GIRAULT, Christian SPILLMANN pour l’AFP
Lire l’interview dans le quotidien SUD OUET du vendredi 11 décembre: