Vivement dimanche à Lyon: Après une première semaine euphorique, les 3000 librairies indépendantes s’interrogent.

 

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Maya Flandin est à la tête de la librairie Vivement Dimanche. 

Si le déconfinement a dopé les ventes de livres avec des lecteurs qui ont retrouvé le chemin de leur librairie dès la fin du confinement avec des ventes en progression de 233% en valeur et de 178% en volume** dès la semaine du 11 mai , l’inquiétude est là. Le marché s’était contracté de plus de 60% en nombre d’exemplaires vendus et en valeur les deux semaines précédentes. La fermeture complète des librairies durant deux mois a entraîné, pour celles-ci, une perte de la quasi-totalité de leur chiffre d’affaires et de plus de 80% pour les maisons d’édition.

En France, les 3000 libraires indépendants sont inquiets de l’absence de mesures pour la filière du livre dans le plan de relance de la culture annoncé le 6 mai par Emmanuel Macron. La librairie indépendante reste un modèle économiquement fragile dont dépend le secteur de l’édition. Les risques de faillites après deux mois de fermeture sont réels. Qu’attendent les libraires ? Témoignages à Lyon et Amiens.

Maya Flandrin (photo AFP) ne cache pas un certain soulagement. Les clients sont revenus, dans sa librairie lyonnaise Vivement Dimanche« Ils viennent, ils rentrent deux par deux et ils ressortent avec des piles de livres : de la bande dessinée, du roman, de l’essai, des polars… Les gens se sont décloisonnés dans leurs choix. Ils nous ont donné des mots et des preuves  d’amour. Une de mes clientes m’a confié avoir pleuré en voyant sa libraire fermée. Peut-être que les habitants du quartier se sont rendus compte que nous étions quelque chose d’essentiel pour eux ».

Une semaine euphorique et des mots d’amour

Le rebond des ventes est en effet spectaculaire. Le chiffre d’affaires en une semaine de la librairie lyonnaise a bondi de près de 20% par rapport à une semaine normale. « Notre première semaine de déconfinement a été teintée d’euphorie », témoigne Maya Flandin. Mais les difficultés ne se sont pas dissipées. Le plus dur commence. « Un mois de confinement et de fermeture a représenté pour notre librairie une baisse de chiffre d’affaires de 17% », indique la libraire.

La librairie indépendante, un commerce peu rentable

L’ensemble de la période de fermeture devrait coûter à la librairie un peu plus de 40% de son chiffre d’affaires annuel, selon la gérante de la libraire. Et le rebond des ventes sur le mois de mai ne compensera pas cette perte. Les clients également doivent être protégés du coronavirus et cela limite encore la fréquentation de la libraire qui se découpe en deux espaces, un de 110 mètres carrés pour la librairie générale et un autre de 40 mètres carrés pour l’espace jeunesse.

« Nous ne pouvons faire rentrer que deux clients à chaque fois dans chaque espace », indique la libraire. Ces obstacles sont d’autant plus difficiles à gérer que les libraires constituent des commerces à la rentabilité très faible. « Après avoir tout payé – charges et salaires, il ne vous reste presque plus rien », confie Maya Flandin. Ce que l’on appelle le taux de rentabilité, c’est-à- dire ce qu’il reste après toutes les charges payées, oscille pour les librairies entre 0 et 1%, selon le Centre National du Livre. Ce chiffre monte en moyenne entre 7 et 8% pour les restaurants. « C’est le commerce le moins rentable de France », s’exclame Maya Flandin.

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La librairie reste le seul lieu culturel ouvert dans de nombreuses villes. Ici une vitrine de la librairie lyonnaise, Vivement dimanche, vendant des catalogues d’expositions qui n’ont pas pu avoir lieu.

A Lyon comme à Amiens, au Nord de Paris.

Anne Martel, dirigeante de la libraire Martel à Amiens, abonde dans son sens. Le modèle de la librairie indépendante reste structurellement fragile. « Le rôle de la libraire indépendante reste celui de fournir du conseil auprès des lecteurs, de faire des choix éditoriaux, de mettre en avant tel ou tel ouvrage. C’est ce que viennent chercher les lecteurs dans les librairies indépendantes. Dans les grandes enseignes culturelles, le personnel est beaucoup plus réduit. On compte une personne pour des rayonnages entiers. Ce n’est pas le cas pour nous. Nous sommes nombreux et cela a un coût », indique la libraire amiénoise.

Et impossible d’augmenter les prix des  ouvrages. Le prix du livre est unique en France. La libraire ne maîtrise pas les prix de ce qu’elle vend. Véritable institution de la ville, la librairie Martel emploie donc 40 salariés. Et malgré cela, la  direction a dû s’employer pour maintenir ses comptes à flot. Les 40 salariés, comme ceux de la libraire Vivement dimanche à Lyon, ont été mis au chômage partiel. « Il a fallu négocier auprès des banques, obtenir un prêt garanti par la Banque publique d’investissement et négocier un étalement du paiement du bail », explique Anne Martel.

Le monde du livre oublié par le pouvoir ? 

Les quelque 3000 libraires indépendantes présentes en France constituent une charnière essentielle du monde du livre, partie intégrante du monde de la lecture. De leur survie dépend le monde de l’édition, rappelait Françoise Nyssen dirigeante des éditions Actes Sud et ex-ministre de la Culture.

Le 6 mai dernier, le président de la République française Emmanuel Macron annonçait un plan de relance pour le monde de la culture. Et le monde du livre était absent de ces annonces – maisons d’éditions, auteurs comme libraires. « C’est très surprenant, venant de la part d’un président littéraire qui conseillait aux Français de lire lors de l’annonce du confinement », souligne Maya Flandin de la librairie Vivement dimanche.  Le CNL, le Centre National du Livre, a certes annoncé la mise en place d’une subvention de 5 millions d’euros mais ce chiffre est pour l’ensemble de la filière, maisons d’éditions comprises. « Une goutte d’eau », selon Maya Flandin.

Des risques de faillites dans 7-8 mois ?

Le risque de fermeture de nombreuses libraires indépendantes est réel. Même s’il n’est pas immédiat. « De nombreux libraires ont réussi à négocier des reports de charges et d’échéances de prêts. Mais d’ici quelques mois il faudra rembourser. Et c’est dans 7, 8 mois que  les faillites seront là. Ces dernières années, les libraires se sont beaucoup endettés pour rendre les lieux beaucoup plus attractifs. Énormément de libraires n’ont pas la trésorerie pour tenir », note Maya Flandin.

Cette crise a stoppé également tout nouvel investissement, nécessaire pour résister aux grandes enseignes culturelles et aux géants de la vente en ligne. La libraire, Maya Flandin, avait provisionné de l’argent pour ouvrir un nouveau local plus grand consacré à la littérature jeunesse. Cette somme sert désormais à éponger les pertes. Anne Martel, libraire à Amiens, en appelle à l’État. « Il faut pour les libraires les plus fragiles, qui ont des charges importantes, que l’État   mette en place des subventions pour éviter toutes ces fermetures dans quelques mois. Il faut réussir à passer ce cap difficile ».

Élise Guillaume, 26 ans, a ouvert il y a un an sa libraire,  Arborescence, à Massy. Cette ville de 50 000 habitants de l’Essonne, en Île-de-France, n’avait plus de librairie depuis sept ans. La jeune libraire se paie un salaire et elle a un salarié. Et le temps n’est pas au pessimisme : « Je ne veux pas envisager un avenir difficile pour la librairie. Aujourd’hui nous sommes le seul lieu culturel qui reste ouvert. Les cinémas et les salles de concert restent fermés », insiste la jeune libraire.

Que demande-t-elle ? Une simple mesure reste assez facile à mettre en place et peu coûteuse selon la libraire. Chaque envoi d’une commande à un client coûte cher à la libraire. Les libraires paient souvent les frais postaux à la place des clients. « Il faut mettre en place un tarif postal préférentiel pour les libraires. Je vends aujourd’hui des livres à perte. »

** Selon une étude de l’institut GfK pour le magazine professionnel Livres Hebdo.

Source: TV5Monde et l’AFP

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