La romancière et scénariste Maria Pourchet est en lice pour le prix Goncourt et pour le prix Renaudot avec Feu, son sixième roman. Entre Houellebecq et Bret Easton Ellis, l’écrivaine vosgienne profite de cette incursion dans le roman d’amour pour jeter un regard au vitriol sur notre société, le capitalisme triomphant, le management sauvage, l’injonction au bonheur conjugal, familial, tandis que sur l’âme de ses personnages s’est abattu, avant l’arrivée de l’amour, un vent de sentiments contraires, de vacuité, d’ennui, voire de dépression. Feu est paru le 18 août aux éditions Fayard.
L’histoire : c’est celle d’une rencontre inattendue. D’un côté Clément, quinquagénaire, célibataire, yuppie malheureux qui partage son temps entre ses réunions de travail absconses en haut des tours de la Défense, dans les bureaux de son entreprise qu’il a rebaptisée « La banquise », et son chien, qu’il appelle « papa ». De l’autre Laure, quadragénaire, prof universitaire, mariée, deux filles, dont une ado révoltée et clairvoyante, néo-féministe et antispéciste.
Laure et Clément n’ont pas grand-chose en commun, à part des mères nocives, et sur le papier pas grand-chose à partager. Et pourtant, après un premier déjeuner au cours duquel ils font tous les deux ce constat, l’improbable attraction se produit. Laure abandonne toute retenue et se jette à corps perdu dans cette aventure. Clément, incrédule et d’abord réticent, se laisse embarquer. La passion amoureuse démarre dans un excès de vie, de joie, de plein, de sauvagerie.
« D’après le médecin, j’ai tous les indicateurs de la joie au taquet. L’ocytocine, la dopamine, la sérotonine, la phénilathyline. Les endomorphines je ne sais pas mais ça doit être un festival. »
Maria Pourchet
« Feu », page 163
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Laure, prof d’Université, est mariée et mère de deux filles. De Véra, l’aînée, qui organise des mouvements d’insurrection au lycée, Laure envie l’incandescence et la rage. Elle qui, à 40 ans, regrette parfois d’être la somme de la patience et des compromis.
Clément, célibataire, 50 ans, court le matin et parle à son chien le soir. Entre les deux il s’ennuie dans la finance, au sommet d’une tour vitrée, lassé de la vue qu’elle offre presque autant que de YouPorn.
Laure monte sans passion des colloques en Histoire contemporaine. Clément anticipe les mouvements des marchés, déplorant que les crises n’arrivent jamais vraiment, que le pire ne soit qu’une promesse perpétuellement reconduite.
De la vie, l’une attend la surprise. L’autre, toute capacité d’illusion anéantie, attend qu’elle finisse, fatigué d’être un homme dans un monde où seules les tours de la Défense sont légitimement phalliques.
Bref, il serait bon que leur arrive quelque chose.
Ils vont être l’un pour l’autre un choc nécessaire.
Saisis par la passion et ses menaces, ils tentent d’abord de se débarrasser l’un de l’autre en assouvissant le désir, naïvement convaincus qu’il se dompte. Nourrissant malgré eux un espoir qui les effraie et les consume, ils iront loin dans l’incendie.
Dans l’ombre, quelque chose les surveille : la jeunesse sans nuance et sans pitié de Véra.
Au gré d’un roman sur la passion, Feu photographie une époque. Où les hommes ne sachant plus quelle représentation d’eux-mêmes habiter, pourraient renoncer. Où les femmes pourraient ne pas se remettre de l’incessant combat qu’elles doivent mener pour être mieux aimées. Où les enfants, nés débiteurs, s’organisent déjà pour ne pas rembourser.
Alternant les points de vue des deux personnages dans une langue nerveuse et acérée, Maria Pourchet nous offre un roman vif, puissant et drôle sur l’amour, cette affaire effroyablement plus sérieuse et plus dangereuse qu’on ne le croit.