Les PUF, Presses universitaires de France, fondées en 1921 par une poignée d’universitaires en quête d’indépendance, sont aujourd’hui le pilier du groupe Humensis. Elles poursuivent leur travail de transmission du savoir et cherchent les moyens de le pérenniser. Article publié par lemonde.fr le 3 juin 2021.
Au début de l’année 1922, des universitaires français lancent auprès de leurs confrères, mais aussi d’industriels, de commerçants, de financiers, un appel à souscription où il s’agit de rien de moins que de sauver « la diffusion de la pensée française », que les signataires jugent « gravement compromise par l’impossibilité de publier ».
La lettre émane d’une société qui a vu le jour quelques semaines auparavant, le 17 décembre 1921 : les Presses universitaires de France (PUF). Et puisqu’un siècle plus tard ce nom continue de rayonner dans l’édition de sciences humaines, il n’y a pas de suspense à entretenir sur la réussite de l’opération : elle fut complète, des centaines de souscripteurs ayant répondu à l’appel – parmi lesquels Marc Bloch, Etienne Gilson, Geneviève Bianquis, Marcel Mauss, Marie Curie… –, bientôt rejoints par un garant de poids, la Banque des coopératives.
Car cette société nouvelle n’est pas d’un type courant. Elle est même la première, dans l’édition, à emprunter la forme d’une « société coopérative de consommation », à l’image de l’entité créée en 1883 par les précurseurs du coopératisme français : l’Abeille nîmoise, non seulement lieu de commerce – géré à la fois par les consommateurs et les producteurs –, mais foyer intellectuel de cette mouvance qui, sous l’impulsion de l’économiste Charles Gide (1847-1932) et de l’Ecole de Nîmes, tentait alors de poser les bases d’un mode inédit d’organisation économique, ni libéral ni socialiste – autogestionnaire avant la lettre.
La survie de l’édition scientifique
« Il y avait chez les fondateurs des PUF l’idée que les universitaires devaient s’organiser par eux-mêmes », explique au « Monde des livres » Valérie Tesnière, directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, qui a raconté cette histoire dans Le Quadrige. Un siècle d’édition universitaire (1860-1968) (PUF, 2001). « C’est ce qu’offrait le modèle coopératif. Des producteurs, ici des auteurs, qui se prennent en main : cette idée était dans l’air du temps. »
La vogue coopératiste dans le monde académique ne suffit cependant pas à expliquer la décision prise par les six fondateurs, Maurice Caullery, Xavier Léon, Pierre Marcel, Edmond Schneider, Charles Marie et Ferdinand Gros. Il y avait plus urgent que de défendre une doctrine politique, comme le montre le ton de l’appel à souscription : il en allait de la survie de l’édition scientifique, dans tous les domaines.
Hausse des prix du papier et des frais d’impression décourageaient en effet les éditeurs de se lancer dans des projets destinés, par nature, à de petits tirages. Moins rentable que jamais, le savoir risquait d’être peu à peu privé de débouchés en librairie, sauf à toucher, précisément, à la rentabilité. Le principe de la coopérative, qui abolissait les intermédiaires et n’obligeait pas à verser des profits, permettait de s’en libérer, même si, rappelle Valérie Tesnière, « cela ne voulait pas dire qu’il ne fallait pas que la société fonctionne ». Une nuance qui, pour un siècle, allait être toute la question (…)
Autres entretiens, mais sonores, et gratuits : ceux que réunit le podcast « Les idées du siècle », où auteurs de la maison et libraires présentent chacun un livre du catalogue. « Nous avions envie de convoquer notre fonds. Mais comment faire parler les morts ? Il nous a semblé que le mieux était de demander à des libraires habitués à défendre nos livres et à certains de nos principaux auteurs d’évoquer leurs œuvres », explique au « Monde des livres » la directrice de la communication des PUF et de Que sais-je ?, Camille Auzéby, à l’initiative de cette série de « pastilles sonores ».
Dans des formats courts (une dizaine de minutes), on peut ainsi entendre Catherine Malabou présenter La Voix et le Phénomène (1967), de Jacques Derrida, Laurence Devillairs, La Vie de l’esprit (1978), de Hannah Arendt, ou encore Gérald Bronner rendre hommage à son maître Raymond Boudon (1934-2013), qui dirigea longtemps une des grandes collections des PUF, « Sociologies », à propos de son livre La Place du désordre (1984).
Source: Le Monde.fr , Lire la suite sur lemonde.fr:
https://www.lemonde.fr/livres/article/2021/06/03/les-puf-fetent-leurs-100-ans_6082732_3260.html
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