Dans « Toxic Data », David Chavalarias, le mathématicien dresse un constat glaçant de l’influence des Gafam, et propose des solutions pour éviter l’overdose. Interview parue dans l’Express
Visuel: afp.com/Damien MEYER
Propos recueillis par Alix L’hospital pour L’express, Publié le 29/05/2022 à 14:00,
C’est une plongée vertigineuse dans les entrailles des Gafam. Dans « Toxic Data » (Flammarion**), David Chavalarias, directeur de l’Institut des systèmes complexes de Paris (organisme rattaché au CNRS, et créateur du projet Politoscope qui vise à observer le militantisme politique en ligne et les stratégies des partis en campagne) décrit l’influence des plateformes numériques auxquelles nous confions nos données les yeux fermés. Tout y est : comment les mouvements d’opinion peuvent être manipulés depuis un autre pays, de quelle façon les Big tech enregistrent le moindre de nos comportements et le risque que cela pourrait faire peser sur nos démocraties.
Pour L’Express, l’agrégé de mathématiques, dont les recherches mêlent également sciences sociales et sciences cognitives, interroge le rôle des Big tech dans la fusillade d’Uvalde au Texas, ou la formation du mouvement des gilets jaunes. Et explique que la « prime à l’émotion » donnée par les plateformes, au détriment de la raison, a déjà des conséquences sur nos sociétés. Pour éviter l’overdose numérique, David Chavalarias propose aussi des solutions. À commencer par une « loi sur l’atteinte à la démocratie ». Entretien.
L’Express : L’auteur de la récente fusillade au Texas avait annoncé ses intentions sur Facebook. Quelle est la responsabilité des Big tech sur ce qui circule sur les plateformes ?
David Chavalarias : Les grandes plateformes numériques ont toujours renoncé à se positionner comme éditeurs. Elles se contentent donc de modérer les contenus qu’elles hébergent, souvent pour sanctionner une action qui irait à l’encontre de leur politique, donc a posteriori. De plus, contrôler en temps réel, et dans un temps très court – dans le cas présent, l’auteur de la fusillade avait écrit son message trois jours avant de passer à l’acte – est quasiment impossible sans faire d’erreur. Ainsi, de manière presque intrinsèque, les plateformes ne peuvent pas agir en amont.
Néanmoins, ces dernières pourraient faire plus d’efforts sur la modération des profils potentiellement dangereux, en étant, par exemple, plus restrictives sur les types de déclarations qui peuvent être publiées. Mais la plupart de ces plateformes sont hébergées aux États-Unis, dont la conception de la liberté d’expression est très laxiste. Or, à l’ère du numérique, une liberté d’expression sans modération peut avoir des conséquences dramatiques, comme à Buffalo… Sans compter que ces discours de haine en ligne se démultiplient et amènent une radicalisation d’une partie de la société.
Est-ce à dire que les Big tech sont, par essence, une menace pour nos démocraties ?
-DC: Tout à fait. D’abord, les appels à la haine ont un champ de résonance beaucoup plus large dans les mondes numériques que dans le monde physique, parce qu’ils ne connaissent pas de frontières et peuvent toucher plus de monde, plus rapidement. Ensuite, la simple propagation de désinformation par des acteurs tant nationaux qu’étrangers sur les réseaux sociaux va à l’encontre de nos principes démocratiques de débat et de formation d’une opinion sur la base d’informations sincères. Enfin, d’un point de vue global…
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A lire : Toxic Data chez ** Flammarion