Du nouvel ordre mondial…au chaos national. Le nouvel ordre mondial qui émerge depuis le début du XXIème siècle est marqué par un basculement progressif de son centre de gravité vers l’Asie. Il est lié à plusieurs phénomènes qui s’influencent réciproquement. Jean Antoine DUPRAT expose et analyse cette situation où l’interdépendance entre l’Europe, la France, l’Asie et les USA s’affronte. Sous le regard critique du prix Nobel 2025 , l’économie français, Philippe Aghion pour qui la solution du chaos en France n’est pas la « taxe Zucman
D’une part il y a la montée en puissance économique, militaire, diplomatique de la Chine qui développe un capitalisme d’État très intrusif, y compris en France fragilisée où elle rachète nombre d’entreprises. Désormais seconde puissance planétaire derrière les États-Unis, l’Empire du milieu ambitionne de se hisser en haut du podium en 2049, pour l’anniversaire de la création de la République populaire.
Avec Donald Trump, derrière le mot d’ordre Make America Great Again, les Américains s’enferment dans un isolationnisme de plus en plus marqué, illustré par l’augmentation des droits de douanes, leur désengagement de l’OTAN ou encore leur retrait des grandes institutions internationales ; même si cela n’empêche pas le président américain de se targuer d’avoir, grâce à sa puissance militaire « mis fin à huit guerres » ; sa dernière victoire en date étant la cessation des combats à Gaza, avec comme première étape le retour des vingt derniers otages israéliens vivant et les corps de ceux qui ont été tués par le Hamas, mouvement terroriste qui n’est, toutefois, pas vraiment prêt à capituler sans conditions. Même s’il n’a toujours pas réussi à stopper le conflit en Ukraine, il pense avoir de quoi revendiquer, en 2026, le prix Nobel de la paix… « par la force » ?! Pour autant les attitudes, déclarations, décisions d’un Donald Trump souvent imprévisible, continuent à ébranler la confiance de ses alliés, tandis que le bloc antilibéral piloté par la Chine et la Russie séduit de plus en plus le « Sud global » sur fond d’anti colonialisme, tout en occultant l’impérialisme Russe, avec ses visées d’annexion en Europe, et l’expansionnisme chinois en mer de Chine.
Face à cette évolution qu’elle subit – pour avoir ignoré les signaux s’accumulant – l’Europe n’en finit pas de palabrer et de coordonner ses efforts, diplomatiques, économiques ou encore militaires. Si les postures de principes sont régulièrement réaffirmées : préservation des démocraties libérales, du libre-échange, de l’état de droit… Derrière l’unité de façade les divisions demeurent, voire s’accroissent. Le positionnement officiel de fermeté vis-à-vis des Américains est fragilisé par le chacun-pour-soi, notamment en matière économique et de défense.
Inquiets face aux menaces d’abandon proférées par Donald Trump, certains pays, au premier rang desquels l’Allemagne, préfèrent acheter du matériel américain (F35, missiles) plutôt que de se tourner vers des fournisseurs européens, dont la France avec le Rafale, ou de participer à des programmes communs d’armement, par exemple pour construire l’avion de combat du futur. Autres phénomènes de nature à fragiliser l’édifice européen, l’orientation de certains états (Slovaquie, Hongrie) complaisants avec les Russes, auxquels ils continuent notamment à acheter du gaz voire du pétrole via la flotte fantôme, et puis, bien sûr, l’affaiblissement financier et économique de de la France, budgétairement fragilisée et en pleine crise politique.
Dans ce nouvel ordre mondial le chaos national découle notamment de l’accumulation, depuis les années quatre-vingt, de dépenses publiques de plus en plus incontrôlables (57% du PIB, contre 50% en moyenne dans l’Union européenne en 2025 ) de déficits excessifs et cumulés des finances publiques (près de 170 milliards 5,8% du PIB en 2024 et guère moins en 2025), causes de l’accroissement phénoménal de la dette – 3400 milliards d’euros, 115% du PIB en 2025 – alors qu’elle était de 22% en 1981, elle a plus que doublé à la fin des deux septennats de François Mitterrand pour dépasser, pour la première fois, 50% du PIB !
Tous ces dérapages constituent de lourds handicaps pour une France en nette perte de vitesse, même si elle est encore la seconde puissance économique de la zone euro. Dans ce contexte, malgré ses effets de manche et discours martiaux, Emmanuel Macron – qui, outre les difficultés budgétaires aggravées, découlant notamment de la crise sanitaire, a englué le pays dans une profonde crise politique après la dissolution de l’Assemblé nationale le 9 juin 2024 – porte, au plan international, une voix présidentielle de moins en moins audible.
Quant aux Français, agacés, inquiets désorientés, bercés d’illusion par des politiques, plus démagogues que capables de mener durablement les efforts indispensables pour redresser le pays, ils ne perçoivent pas toute l’importance de réformes comme celle des retraites ; même si la France est le pays de l’OCDE où on travaille le moins (100 heures annuelles en dessous de la moyenne européenne) et si, depuis des années, droite comme gauche (voir la réforme Touraine) essayent de détricoter, sans l’avouer, « la retraite à soixante ans », mesure électoraliste prise par le premier gouvernement de François Mitterrand. Tandis que, pour compenser le coût financier du gel de cette réforme sous contrainte de la gauche, les retraités vont probablement voir leurs retraites sous évaluées, voire gelées, et l’abattement de 10%, sur leurs pensions, rogné sans parler de l’accroissement sournois de divers impôts, dont la taxe foncière.
Pour certains, telle la CFDT, il serait intéressant de remettre sur les rails une vraie modernisation du régime des retraites avec un système plus équitable à points ; on pourrait aussi introduire une part de capitalisation, comme dans beaucoup de pays développés, qui permettrait à tous, salariés, retraités, du public et du privé, de bénéficier d’une partie des dividendes de la croissance, à laquelle ils contribuent.
Pour le prix Nobel 2025 d’économie, Philippe Aghion, la solution n’est pas la « taxe Zucman » sur les patrimoines investis dans les entreprises, qui pourrait être très préjudiciable à l’attractivité française ; comme le souligne un autre économiste, Nicolas Bouzou. Il faut arrêter d’augmenter encore et toujours les impôts en brandissant la justice fiscale, car la France a « le système fiscal le plus redistributif de tous les pays de l’OCDE» – l’alibi de « faire payer les riches» permettant surtout de taxer ensuite l’ensemble de la population ! La meilleure solution est de faire des économies grâce à de profondes réformes structurelles qui réduiraient fortement le poids du fonctionnement de l’Etat ; il faut s’attaquer à la complexité administrative, dont le coût est estimé entre 87 et 112 milliards d’euros, selon un rapport sénatorial du 15 juin 2023.
L’augmentation du volume de travail et de capital investi dans les entreprises – plutôt que de surtaxer les épargnants français et d’obliger les société à se vendre à l’étranger – lié à la réduction de la complexité administrative, ayant comme autre intérêt majeur de rétablir un cercle vertueux : relancer l’activité économique, afin de doper la croissance et de faire grossir le gâteau à partager en créant plus de richesses, tout en diminuant les déficits publics grâce à un accroissement des rentrées fiscales ainsi qu’en réduisant le pouvoir des créanciers étrangers, détenant plus de la moitié de la dette publique et qui engrangent chaque année près de 60 milliards d’euros prélevés sur la richesse nationale.
Ainsi la France, sortie du psychodrame droite-gauche – qui, grâce à des réformes courageuses et bien calibrées, aurait rétabli ses comptes et réduit son endettement – pourrait investir à nouveau dans les secteurs prioritaires (transition écologique, intelligence artificielle, éducation, défense et sécurité…) ainsi que peser de tout son poids en Europe et sur la scène mondiale… Après tout, même si une bonne partie de la classe politique est à peu près aussi tétanisée qu’un lapin pris dans les phares d’une voiture, il n’est pas encore interdit de rêver, sans doute au prix de nouvelles élections, à un retour du bon sens des élus, pour sortir du chaos national et donner au pays un avenir profitable à tous !
Jean Antoine DUPRAT pour ApprofonLire.fr